Journal de ch-media

Gil Egger, président

Donner une chance à un nouveau journalisme

Le paysage des médias traditionnels évolue, vite et dans le mauvais sens. Des licenciements et des restructurations se suivent et, malheureusement, se ressemblent. La cause ne surprendra personne: les revenus baissent. On peut discuter du bien-fondé d’entreprendre de dégraisser des rédactions quand les comptes révélés au public sont encore intéressants pour les propriétaires et les actionnaires. Ce questionnement provient d’anciennes pratiques, qui datent du siècle passé, voire avant. Les journaux faisaient partie d’un tout, souvent avec une imprimerie, et ils étaient créés par des personnes ou des groupes qui désiraient un moyen d’information et acceptaient de la payer. Soutenus par des capitaux peu exigeants quant aux rendements, ils ont pu fleurir au cours des années, apparaissant et disparaissant au gré des variations de l’intérêt du public et des initiateurs. La presse s’est peu à peu concentrée, peu à peu détachée des courants poli- tiques. Est-ce un bien? Entendre dire que «tous les journalistes sont de gauche» montre que ce n’était pas si mal d’avoir des journaux marqués d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique. De nos jours, tout lecteur aura une opinion pour classer telle ou telle plume, tel ou tel personnage de télévision ou de radio dans le camp dont il croit percevoir la sensibilité. Les médias eux-mêmes se défendent de toute obédience à quelque courant que ce soit. Pourtant, l’ambiance est là. Elle porte un nom: la méfiance.

Les journalistes paient un tribut sévère à un phénomène qui leur échappe, celui des revenus. La publicité a disparu, avalée par des géants mondiaux actifs sur tous les réseaux. Les abonnements ne résistent plus. La baisse générale des moyens affecte les effectifs. Personne ne saurait dire à quel bas niveau le nombre de journalistes nécessaire se réduira.

Le métier, dans ses bases, ne change pas. Il reste à inventer une formule qui lui soit liée, permettant de redonner confiance. Confiance dans la personne qui signe ses articles ou ses émissions, confiance dans le média qui les diffuse. Ce nouveau journalisme est la seule voie qui redonnerait au public l’envie, voire susciterait le besoin, de payer pour s’informer. Il passe par une formation plus adaptée, par une prise de conscience des médias eux- mêmes, et de leurs patrons, afin de créer, chacun de leur côté, puis ensemble, un contexte favorable à cette transparence. Le journalisme se cherche. Dépersonnalisé pour une bonne part, par la faute des agences, il demande un retour à l’affirmation de soi. Oui, un journaliste qui a un nom, qui ose se décrire, se définit par des opinions, c’est une personnalité engagée. Cette manière de redonner à l’individu une place en vue paraît indispensable, et le seul moyen d’équilibrer cette balance où pèsent trop lourd, d’un côté, les multitudes de personnages s’exprimant partout et sur tout, contre la légèreté du nombre des professionnels de l’information, et leurs diffuseurs en recherche de financement.
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Bulletin de ch-media, automne 2024

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